Astucieuse géométrie

A Copenhague, l'ancienne zone portuaire de Nordhavn, depuis plusieurs années, se métamorphose en un quartier durable, véritable terrain d’expérimentation des technologies vertes et d’optimisation de la circulation pour ses 40 000 personnes. Pourtant, lorsque BIG dévoile les premiers plans de son nouveau siège social à la pointe portuaire de Sundmolenpier à Nordhavn, la municipalité décline le projet, rejetant l’approche architecturale de ce monolithe en béton de 27 mètres de haut, le considérant trop éloigné du modèle écologique qu‘ambitionne de représenter la ville avec un objectif de neutralité carbone d'ici 2050.

De prime abord, le parti pris esthétique brutaliste imposant le béton en de larges bandes et corniches en pleine façade, rappelle l‘époque où ce matériau symbolisait plutôt le déni et une faible conscience environnementale dans le bâtiment. Les quatre étages dessinent ici une façade puriste mariant verre et béton, laissant courir en autant de lignes de fuite les balcons reliés en ce même matériau élémentaire par un escalier de secours se déroulant en spirale du sol jusqu'au jardin sur le toit. Point de vue où le regard plonge sur l'Öresund en une spectaculaire vue panoramique.

Parfaitement ancré à la superficie restreinte du terrain s’affinant jusqu’en tête de la jetée, ce bâtiment trapézoïdal adapte et optimise l’espace totalisant 4 800 m² de bureaux, les sept demi-étages descendant en cascade et dont le savant décalage désoriente la vision spatiale en une dynamique visuelle aléatoire particulièrement réussie. A l’intérieur, les colonnes centrales en pierre naturelle, granit nordique et marbre italien soutiennent en force les étages, les escaliers empilant organiquement les différents niveaux.

Un béton à très faible teneur en CO2

A la suite du refus de sa demande de permis de construire, le cabinet d’architectes BIG a ouvert le dialogue et détaillé son concept de durabilité. Afin d'obtenir le meilleur bilan carbone possible sur l'ensemble du cycle de vie de son projet, et dans l‘objectif de la certification DGNB Gold, le béton utilisé sur le Sundmolenpier voit ainsi sa production de CO2 réduit pour près de 70 %.

Depuis 2017 déjà, date à laquelle émergeaient les premiers plans du nouveau siège social, les architectes étaient en discussion avec le cimentier danois Aalborg Portland qui menait des recherches sur un ciment peu émetteur de CO2. Aujourd‘hui commercialisé sous le nom de FUTURECEM®, ce matériau génère désormais jusqu'à 30 % d'émissions de CO2 en moins que le ciment conventionnel, 35 % de la composition énergivore étant remplacée par du calcaire et de la farine d'argile calcinée.

Par ailleurs, le béton vert présentant un aspect un peu plus visqueux, des procédés de fabrication spécifiques ont été développés en collaboration avec le fabricant de gros œuvre LM Byg A/S et le fournisseur de béton Unicon, afin de pouvoir couler sur place les murs et les mégapoutres, pouvant peser jusqu'à 100 tonnes. Quant aux poutres, d'environ 3,6 mètres de haut et 20 mètres de long, elles s‘incorporent en une construction sandwich composée de 500 millimètres de béton armé porteur, 350 millimètres de couche isolante et 100 millimètres de parement en béton apparent.

Pourquoi ce choix d‘une construction en béton et non en bois? Le bâtiment devait s’intégrer à un environnement industrialo-portuaire tout en faisant face aux agressions salines d’un climat marin particulièrement rude ; pour les équipes de BIG, il eût été plus difficile de résoudre les problèmes de corrosion et d'humidité avec une structure en bois. Autre atout, « Le béton a la capacité de stocker la chaleur; ainsi exposé, il utilise sa masse thermique et la ventilation passive pour chauffer et refroidir le bâtiment ». Autant de sources d’énergie vertueuse, la pompe à chaleur étant alimentée en électricité via son propre système photovoltaïque.

Les architectes soulignent également l’intérêt du non traitement des surfaces, qui au-delà de l’aspect esthétique, permet au béton apparent de lier à nouveau la nocivité du CO2 par carbonatation. Le dioxyde de carbone réagissant avec l'hydroxyde de calcium présent dans le béton, forme alors du carbonate de calcium, c'est-à-dire du calcaire, pour un moindre impact dans le bilan écologique.

L‘ imposante construction hybride en bois du Skypark Business Center South

A l'aéroport de Luxembourg-Findel, également conçu par Bjarke Ingels Group, le Skypark Business Centre South oppose au minimalisme brut du siège social de BIG, la majestueuse noblesse de l'une des plus grandes constructions en bois d'Europe. Modèle d’économie circulaire et bâtiment durable exemplaire, les parties souterraines construites principalement en béton armé à très faible consommation d'énergie soutiennent la puissance de la superstructure en bois de 30,5 mètres de haut. Le parti-pris d’élever deux bâtiments de trois étages serpentant en une élégante ligne sinusoïdale de 365 mètres, optimise non seulement la surface utilisable, mais crée également le mouvement d‘une astucieuse géométrie en autant de patios lumineusement exposés se reliant au terminal 1.

La conception de la structure supérieure orientée à 180 degrés accueille la superposition de toitures et terrasses végétales sur trois niveaux ; un biotope propice à offrir un espace d’épanouissement à la flore et la faune, à collecter l'eau de pluie, et d’une manière générale, à générer un microclimat favorable à l’amélioration de la qualité de l'air dans le bâtiment.

Façade double peau pour une protection solaire, lumineuse et acoustique optimale

Réalisé avec une façade double peau à haute performance énergétique, le Skypark déroule l’arabesque de ses éléments tout verre transparents et opaques, en une efficace barrière acoustique et climatique (vent, intempéries). A l’intérieur, les poutres traversantes et le triple vitrage assurent l’isolation thermique et la protection solaire avec des stores à commande individuelle intégrés entre les verres. L’arrondi de l’ensemble du bâtiment et le verre structurel captent en toute transparence et légèreté, du rez-de-chaussée jusqu‘aux étages supérieurs, la fluidité de l’horizon au coeur de l’aéroport.