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Quand Velux transforme son héritage en laboratoire durable à Østbirk

    Au cœur du site historique de production du groupe VELUX au Danemark, un ancien entrepôt en bois de 1995 s’est mué en LKR Innovation House. Inauguré au printemps 2025, ce bâtiment de 14 000 m² rassemble près de 500 collaborateurs et se veut à la fois vitrine technologique, laboratoire de produits et démonstrateur d’une rénovation durable à grande échelle.

    Dès l’approche, la transformation est lisible : la silhouette en bois a été préservée et réinterprétée, les façades largement vitrées laissent pénétrer la lumière naturelle et les volumes intérieurs privilégient les transparences et la modularité — autant d’éléments pensés pour favoriser la collaboration, la créativité et le bien-être au travail. Le parti pris est clair : réinvestir et requalifier plutôt que raser et reconstruire, une décision qui a guidé l’ensemble du projet.

    La préservation et l’usage

    Le concours remporté par Praksis Arkitekter en 2021 a orienté le projet vers une lecture respectueuse du bâti existant : conserver la mémoire du lieu tout en le rendant flexible pour des usages futurs. La priorité n’était pas seulement esthétique, mais programmatique — créer des ateliers, des laboratoires, des espaces de co-conception et des zones d’essai qui peuvent évoluer avec les besoins de VELUX. Cette approche adaptative met l’accent sur la longévité du bâtiment et sur la valeur ajoutée de la rénovation par rapport à une construction neuve. Le langage des matériaux— structure en bois, finitions naturelles, patios et cours intérieures plantées — vise à lier étroitement intérieur et paysage, invitant la nature à entrer dans les espaces de travail et favorisant une ambiance propice à l’innovation.

    Des chiffres qui parlent

    L’un des arguments majeurs de la LKR Innovation House est son empreinte environnementale significativement réduite grâce à la réutilisation et à la rénovation. Selon les études publiées autour du projet, la transformation a permis d’économiser plus de la moitié des matériaux qui auraient été nécessaires pour une construction neuve (environ 56,5 % d’économie de matériaux), et d’atteindre une empreinte carbone opérationnelle très basse — citée à 4,6 kg CO₂e/m²/an — bien en deçà des seuils réglementaires danois pour les bureaux en 2025. Ces indicateurs positionnent le projet comme un exemple déterminant de la valeur climatique de la rénovation.

    Sur le plan technique, le bâtiment intègre plus de 400 fenêtres de toit VELUX et des solutions de ventilation naturelle pilotée, pensées pour optimiser la qualité de l’air intérieur, la lumière du jour et la gestion passive des températures. Des systèmes intelligents coopèrent pour offrir un confort thermique sans recourir excessivement à des générateurs énergétiques actifs.

    Une stratégie holistique

    Au-delà des chiffres, la réussite du projet se mesure aussi dans les choix opérationnels : récupération et remise en état de mobilier, modularité des plateaux pour adapter les zones aux différents modes de travail, et intégration de cours végétalisées qui fonctionnent comme des prolongements extérieurs des espaces de travail. L’ensemble compose une stratégie qui considère la durabilité non seulement comme réduction des émissions, mais comme qualité d’usage et durabilité sociale — un lieu où les produits développés peuvent être testés dans un contexte réel, sain et vivant.

    Avec LKR Innovation House, VELUX revendique plus qu’un nouvel espace de R&D : une démonstration pratique que la rénovation peut offrir des performances élevées en carbone, en confort et en flexibilité. Pour les architectes et ingénieurs impliqués, le chantier devient une « preuve de concept » destinée à inspirer d’autres acteurs du bâtiment à privilégier la réhabilitation des structures existantes. Il installe ainsi un signal fort : l’innovation dans le bâtiment passe autant par les idées et les produits que par la manière dont on les loge — en tirant parti du patrimoine industriel, de la connaissance des matériaux et d’un design centré sur la santé humaine et la planète. Pour Østbirk comme pour le secteur, le message est limpide : rénover mieux, et plus intelligemment, est désormais une stratégie d’avenir.

    Praksis Arkitekter, l’art de transformer sans effacer

    Dans le paysage architectural danois, l’agence Praksis Arkitekter, fondée en 2006 par Mette Tony et Mads Bjørn Hansen, s’est imposée comme une voix singulière. Ni obsédée par la nouveauté spectaculaire, ni prisonnière du passé, elle a bâti sa réputation sur une conviction simple mais exigeante : l’architecture doit prolonger ce qui existe déjà, en révélant sa valeur cachée.

    Une architecture enracinée

    Installée entre Copenhague et le petit port de Troense, l’agence revendique une pratique ancrée dans le territoire. « Nous n’inventons pas ex nihilo, nous dialoguons avec le lieu », explique Mette Tony. Leurs projets témoignent d’un respect aigu des matériaux, des formes et des savoir-faire locaux. La brique, le bois, le béton brut sont travaillés avec rigueur, dans une esthétique à la fois sobre et chaleureuse.

    Cette approche leur vaut d’être souvent choisis pour des projets de transformation et de réhabilitation : anciens entrepôts, usines désaffectées, hôtels de bord de mer. Plutôt que de détruire, Praksis Arkitekter préfère adapter et réinventer, affirmant ainsi que la durabilité commence par le réemploi.

    « La rénovation et la réhabilitation sont les tâches les plus difficiles pour l’architecte, il faut toujours rester en alerte. C’est aussi très inspirant, car vous devez tirer le meilleur du bâtiment, et chaque projet est totalement différent. Pour la LKR Innovation House, on perçoit encore l’ancien entrepôt, et on conserve tout ce qui a fait sa qualité exceptionnelle et qui peut encore perdurer, comme les immenses poutres en bois ou le sol en pierre. L’ancien et le nouveau crée une nouvelle unité, dont on ne voit pas directement la composition. », précise Mette Tony

    Entre tradition et modernité

    Parmi leurs réalisations marquantes, on retrouve le Svinkløv Badehotel, reconstruit après un incendie dans un esprit fidèle mais actualisé, ou encore le Frihavns Tårnet à Copenhague, tour brutaliste transformée en logements contemporains. À chaque fois, une constante : la recherche d’un équilibre entre héritage et innovation, entre ce que le lieu raconte et ce que la société contemporaine exige.

    L’architecture comme pratique durable

    Loin d’un discours purement esthétique, Praksis Arkitekter revendique une responsabilité environnementale. Le réemploi de structures existantes permet de réduire drastiquement l’empreinte carbone. Mais la durabilité est aussi pensée comme une qualité d’usage : des bâtiments adaptables, capables de vivre plusieurs vies, et d’offrir confort, lumière et respiration à leurs usagers.

    « L’importance de la prise en compte du patrimoine est croissant, mais il ne doit pas rester comme un musée permanent. Il faut le réadapter sans cesse, pour le rendre durable. Avant on construisait avec une dizaine de matériaux, maintenant c’est plutôt une centaine. Je pense que durabilité rime avec simplicité, nous cherchons à conserver cette simplicité. Il est nécessaire de faire un pas en arrière, pour retrouver de la cohérence dans la mise en œuvre générale d’un bâtiment. Les solutions architecturales existent, en termes de conception ou de matériaux, pour rendre les bâtiments résilients en conservant une gestion simplifiée », conclut Mette Tony.

    Cette philosophie a valu à l’agence plusieurs distinctions, dont le Nykredit Architecture Prize et le Dreyers Fond’s Hæderspris, reconnaissant une œuvre qui place la conscience écologique et sociale au cœur du projet architectural.

    Une voix pour l’avenir

    Dans un contexte où l’industrie du bâtiment cherche à réduire son impact, Praksis Arkitekter incarne une tendance montante : celle de l’architecture « lente », attentive aux traces, aux matières, aux continuités. En refusant la tabula rasa, l’agence propose un futur enraciné, capable de conjuguer mémoire et innovation. Comme l’écrivent ses fondateurs, « l’architecture n’est pas une rupture, mais une transition. Elle doit donner forme au présent tout en respectant le passé et en préparant l’avenir. »

    — 8 octobre 2025 —

    Mette Tony (Praksis Arkitekter, Svendborg, DK)