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Architecture vernaculaire / politique et architecture

Étonnamment, l’Italie de l’entre-deux guerres fut une période particulièrement féconde pour l’architecture et la réflexion sur ses buts, ses formes et ses contenus.

L’exposition organisée par Giuseppe Pagano à la Triennale de Milan en 1936, Architecture rurale italienne, a durablement marqué les esprits : elle invitait les architectes « rationalistes » à se pencher sur les leçons possibles des constructions vernaculaires. Elle le faisait par un texte ardent accompagné d’admirables photographies prises par Giuseppe Pagano dans l’ensemble du territoire italien.

 Le catalogue de l’exposition n’avait jamais été traduit. Il l’est désormais pour le public français, sous une forme qui reprend scrupuleusement la mise en page initiale, d’une rigueur graphique exemplaire, et l’accompagne d’études et de commentaires.

 C’est aussi l’occasion d’éclairer la figure exceptionnelle de Giuseppe Pagano. Son itinéraire — du fascisme à l’antifascisme et à la résistance armée, jusqu’à la mort en déportation — jette une lumière décisive sur une période de grande confusion, traversée cependant de contrastes surprenants et animée par une interrogation intense de l’ensemble, en vérité, des intellectuels italiens.

 Envisager cette période par le truchement de la figure de Pagano dont Riccardo Mariani a retracé l’histoire, c’est avoir chance d’enrichir notre connaissance d’un moment politique à la fois terrible et bien plus rigoureux que ne le laisse mesurer l’usage souvent désinvolte du terme de fascisme. Il se peut, du reste, que bien des éléments de ce dernier fassent retour aujourd’hui, par des voies imprévues et d’autant plus dangereuses. Il arrive que l’architecture et la réflexion sur elle aient aussi valeur de discernement politique.

— 14 novembre 2023 —