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« La Terre se souvient »

Le Liban sera représenté à la 19e Biennale d’architecture de Venise par le projet ‘La Terre se souvient – al-Ared tatazakar’, conçu par le Collective for Architecture Lebanon (CAL) fondé par Shereen Doummar, Élias Tamer, Édouard Souhaid et Lynn Chamoun.

Pour cette exposition internationale qui se tiendra du 10 mai au 23 novembre 2025, le commissaire général Carlo Ratti a proposé le thème « IntelligenS : Naturel. Artificiel. Collectif ». Élias Tamer et Édouard Souhaid, que L’Orient-Le Jour a rencontrés, expliquent que la syllabe finale, « genS », signifie « peuple », et suggère de ce fait l’intelligence humaine qui échappe à l’accent mis aujourd’hui sur l’intelligence artificielle (AI).

« Nous avons décidé d’exploiter un sujet d’actualité chaude, en présentant les moyens alternatifs pour régénérer le sol du Liban-Sud mis en ruine, délibérément détruit et intentionnellement empoisonné par le largage de milliers de tonnes de munitions lourdes, dont du phosphore blanc, interdit à l’échelle internationale. Le conflit a laissé le secteur de l’agriculture détruit. Le bilan environnemental s’étend aux forêts qui ont été brûlées ou dégradées. Elles abritaient une biodiversité unique et des écosystèmes essentiels à l’atténuation du changement climatique et au maintien de la vie et de la santé publique », enchaîne l’architecte Élias Tamer.

Architecture et politique

Élias Tamer et Édouard Souhaid précisent que les projets de CAL ont toujours été « activistes, collectifs, liant l’architecture à la politique. C’est notre ADN. L’architecture est d’ailleurs politique, lorsqu’on construit, on dit une intention d’être et en plus, ici, nous avons voulu nous adresser à un plus large public, en axant notre projet sur le Liban-Sud. Face aux défis qui nous attendent, nous nous tournons vers l’intelligence même de la terre, non seulement pour nous souvenir, mais aussi pour soigner et reconstruire pour les générations futures ».

« Car La Terre se souvient, oui, al-Ard tatazakar », soutiennent les deux architectes. « À l’instar du code génétique de notre corps, l’ADN des plantes et des arbres contient toutes les informations nécessaires permettant leur (re)développement. Tout ce qui est semé ou tombe au sol y demeure, comme une mémoire vivante, prête à germer même des années plus tard, comme un ADN préservé dans la terre », explique Élias Tamer. Avec La Terre se souvient, « nous réaffirmons la place du Liban dans le discours architectural mondial, plaidant pour la protection et la restauration du patrimoine naturel », ajoute-t-il.

La boîte-mémoire

Le projet de CAL s’articule autour d’une publication, une exposition ainsi que des projections de documentaires et de cartographies. Pour l’héberger durant la Biennale, le pavillon libanais s’installera sur 45 m2 dans l’Arsenal, ancien chantier naval qui a joué un rôle déterminant dans la construction de l’empire vénitien. La scénographie mettra en lumière la résilience de la terre, en offrant sur une surface de la pièce un paysage pavé de briques de terre compactées, enrichies de graines de blé qui germeront progressivement tout au long des six mois de la Biennale. « Cette installation vivante incarne la capacité de régénération du sol, symbolisant l’espoir et le renouveau face à la destruction », soulignent les deux architectes.

Au sein de ce décor, sera exposée une « boîte-mémoire » dans laquelle les visiteurs pourront puiser des informations pertinentes livrées par des experts appartenant à des domaines variés. Afin d’explorer les différentes stratégies pour faire revivre la terre, CAL s’est appuyé sur des acteurs porteurs de pistes de solution, comme la spécialiste de la biorestauration Leila Darwish. Ou encore le studio d’architecture The Other Dada, qui a réalisé un travail sur le biomimétisme, pour maximaliser les processus naturels de divers organismes vivants sur terre. Public Works Studio présente une cartographie identifiant les actes d’écocide à travers le Liban. Quant aux Green Southerners (Les verts du Sud), ils se sont penchés sur la présence du phosphore blanc dans les sols libanais.

— 4 mai 2025 —